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CÉSAR.

les autres pour la spoliation ; les légions romaines, sans solde pendant ces agitations qui faisaient disparaître l’or, avaient murmuré et avaient ajouté leur indiscipline aux désordres de la place publique. Antoine et Dolabella, deux forcenés de popularité à tout prix et deux séides à tout faire de César, n’avaient rien à ménager ni dans la fortune ni dans l’honneur ; ils avaient fomenté et secondé à l’envi ces turbulences de la plèbe romaine.

Deux traits peignent dans Cicéron l’orgie d’Antoine et de Dolabella, ces deux vice-rois de César, peu de temps avant sa rentrée à Rome.

« Antoine, dépravé par l’habitude des proconsulats et par l’exemple des mœurs asiatiques dont il rapportait les scandales dans sa patrie avec la tolérance de son patron, voyageait de ville en ville, en Italie, dans un char traîné par des lions. Sa femme Fulvie, veuve du démagogue Clodius (qui devait plus tard percer de l’aiguille qui relevait ses cheveux la langue de Cicéron), suivait Antoine dans une litière ; une seconde litière portait sa maîtresse avouée, la courtisane Cythéris ; c’est à cette courtisane, mal déguisée sous le nom patricien de Volumnia, qu’il forçait les magistrats des villes d’adresser leurs hommages, se complaisant ainsi à avilir le respect par l’autorité, bafouant lui-même les déférences qu’il exigeait des citoyens au nom de César ; ses compagnons de débauche et sa propre mère, flétrie par ce contact infâme, occupaient une troisième litière ; enfin, une bande d’histrions, de danseurs, de joueurs de flûte et de soldats, l’épée nue à la main, escortaient ce cortége, faisant tour à tour trembler et mugir les citoyens. »

Jamais la démagogie moderne n’a mêlé ainsi le vin et le sang. On a, dans le précurseur de César à Rome, le pressentiment de Claude et de Caligula. Ivre des coupes de la nuit, disent tous les historiens du temps, il montait chan-