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CÉSAR.

celant sur son tribunal en plein Forum et vomissait dans le par de sa robe le vin surabondant de la nuit. Ses facéties amusaient la ville.

Un jour qu’il avait laissé sa femme Fulvie à Rome, indignée de ses adultères et décidée à se séparer de lui, il veut éprouver la sincérité de l’amour de Fulvie et se réconcilier avec elle, si cet amour lui paraît survivre à sa colère. Il part de Narbonne seul et déguisé en courrier gaulois, dans un chariot de louage. Arrivé aux portes de Rome, il attend dans une taverne de faubourg que la nuit favorise son passage furtif dans les rues. Vêtu de la chlamyde et des longues guêtres de cuir du paysan de la Gaule, le visage souillé de poussière et voilé de ses longs cheveux, il se fait annoncer dans la propre maison de sa femme comme un messager secret d’Antoine. Il lui remet une lettre de son mari, dans laquelle Antoine, plus épris d’elle et plus repentant de ses infidélités que jamais, lui jure une passion retrempée par l’absence et lui promet de congédier Cythéris.

Fulvie, trompée par l’apparence sauvage du messager, pâlit, rougit et pleure d’attendrissement en lisant la lettre amoureuse ; Antoine, convaincu qu’il est encore aimé, se jette dans les bras de Fulvie et la couvre de baisers et de larmes.

Le bruit de l’arrivée soudaine du vice-roi de César se répand dans Rome par les domestiques de Fulvie ; le peuple s’ameute en foule à sa porte, et l’amant heureux de Fulvie est forcé de monter au Forum sur son tribunal pour annoncer aux Romains que l’Italie est tranquille, que César est vainqueur et qu’Antoine a passé une bonne nuit !

« Quant à Dolabella, l’autre Éphestion de César, ruiné par le jeu, il détestait tout haut la fortune d’autrui, dépouillait les fils de l’héritage de leurs pères, vendait les biens des prescrits à vil prix pour se refaire un patrimoine,