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CÉSAR.

geoisie affamée de repos et d’affaires qui feint d’adorer le tyran pourvu que la tyrannie feigne de la protéger contre l’anarchie, enfin une politique de dissimulation, de mensonge et d’équilibre entre une armée dont on se défie, une populace qu’on redoute et une aristocratie qu’on a blessée au cœur.

En examinant bien, les récits contemporains sous les yeux, la situation de César rentrant à Rome après dix ans de complicité avec les démagogues, dix ans de gloire militaire dans les Gaules, et cinq ans de crimes heureux contre la république dans les guerres civiles, voilà littéralement l’impasse politique où son immorale ambition l’avait enfermé. Il ne pouvait s’en tirer que par une audace supérieure à toutes ses audaces et par un génie supérieur son génie, soit, comme nous l’avons montré, en se déclarant le second fondateur et le législateur populaire de Rome, soit en se couronnant imperator héréditaire et absolu de l’univers romain.

Il n’en fit rien, il eut une défaillance de caractère ou une défaillance d’ambition. Il faut le reconnaître, soit à la gloire de la morale qui se venge toujours, soit à la honte de César, malgré le préjugé de génie qui s’attache à ce nom, toute la conduite de César à Rome, depuis le jour où il fut maître de Rome, porte l’empreinte de l’indécision, de l’inertie, et, disons le mot, de la médiocrité. N’avançant plus, ne trouvant aplomb sur rien, il ne pouvait manquer de s’écrouler bientôt, ou par l’insatiabilité de l’armée, ou par le désenchantement de la multitude, ou par la vengeance muette des patriciens.

Que fit-il pour signaler sa toute-puissance ?

Il demande le privilège de porter une couronne de laurier sur sa tête nue pour cacher son front chauve, puérilité qui rappelle le favori de Nicomède et l’amant de Cléôpatre plus que le tyran de l’univers. Il apaise les légions indis-