Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
365
CÉSAR.

ciplinées en leur jetant l’or a pleines mains et en leur promettant des guerres prochaines pour leur faire prendre patience par la perspective de nouvelles dépouilles ; il convoque une ombre de sénat qui lui enlève de l’indépendance et qui ne lui prête que de l’obséquiosité d’hommes discrédités dans Rome par leur fluctuation de Marius à Sylla, de Sylla à Pompée, de Pompée à César ; il se fait nommer consul et dictateur pour dix ans ; il se laisse voter une statue d’or en face celle de Jupiter : « À César presque Dieu ! » commencement de divinité des tyrans qui déshonore les dieux sans sanctifier la servitude ; il donne à chaque habitant de Rome dix boisseaux de blé, dix livres d’huile et une poignée de sesterces, commencement de solde aux prolétaires pour en acheter la paix ; il amuse et il corrompt la ville par quarante-quatre jours de fêtes continues qui apprennent au peuple que les gouvernements sont faits pour l’amuser à tout prix, et qui lui ôtent le besoin et le goût du travail ; il lui bâtit des portiques et des jardins comme à un roi qu’on veut amollir ; il lui fait célébrer les obsèques de sa fille comme pour l’apparente à lui par ce deuil ; il dédie un temple à Vénus, mère fabuleuse de la famille des Césars ; il s’étale sur un char traîné par quatre chevaux blancs, votés par le sénat, à l’envi du char de Jupiter ; il fait spectacle au peuple des charmes, des larmes, de la pudeur des prisonnières qu’il a ramenées à Rome, et même de la pudeur de la jeune Égyptienne Arsinoé, sœur et rivale de sa propre maîtresse Cléopâtre ; il fait sculpter et ciseler les images de ses batailles et de ses villes conquises sur le bronze, sur le bois, sur l’écaille ; il élève au rang de citoyen romain ces barbares gaulois dont le glaive étranger lui a ouvert le chemin de Rome ; il s’en fait une garde étrangère comme tous les ambitieux qui se défient du patriotisme sous les armes ; il place Balbus, un aventurier espagnol, à l’administration du trésor romain ; enfin,