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CÉSAR.

Un seul homme donnait alors à César et son parti un reflet de considération et de vertu antique : c’était Cicéron. Mais Cicéron, entraîné malgré lui par son indécision dans l’écroulement de la république, n’était plus lui-même qu’une ruine vénérée et déplacée dans le sénat césarien où il avait eu la faiblesse de venir reprendre sa place. Son éloquence y était aussi posthume que sa vertu. Il l’employait à faire des harangues, belles mais sans nerf, dans lesquelles il se croyait quitte envers lui-même quand il avait donné quelques vagues conseils de vertu au vice, de liberté a la tyrannie. L’ami honnête et timide de Caton et de Brutus était devenu l’apologiste de César, l’homme du panégyrique face à face, donnant avec grâce et dignité aux Romains le ton et le tour de l’adulation qui plaisait au maître.

Il sentait lui-même cet abaissement. « J’étais naguère (sous la république) au gouvernail, dit-il, et je suis maintenant dans la sentine du vaisseau de l’État… Mais que voulez-vous ? reprend-il ailleurs, César est encore le meilleur des hommes de son parti. » Et pendant qu’il loue tout haut le chef : « Prends garde à tes biens et a ta vie, écrit-il à Marcellus, car ce parti est celui des brigands ; César seul est modéré parmi ces bandits. »

Il commençait en effet à refréner avec plus de vigueur la multitude et à se tourner, comme tous les révolutionnaires assouvis, vers l’aristocratie, qui seule consolide et décore les parvenus des révolutions. Pour faire oublier au peuple ce qu’il lui retirait en concessions, il l’enivrait de nouvelles fêtes. La dernière de ces fêtes, déjà impériale, décrite par M. de Champagny dans son livre des Césars, rappelle Babylone.

Pendant que César, à la lueur de quarante lustres portés par des éléphants, monte a genoux les degrés du Capitole, les jeux commencent par toute la ville. Dans tous les quartiers, des bouffons débitent leurs lazzis dans toutes