Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
369
CÉSAR.

les langues à cette multitude cosmopolite. Au cirque, agrandi par César, la jeune noblesse conduit des chars et des chevaux ; au Champ de Mars, luttes d’athlètes pendant trois jours ; au delà du Tibre, dans un lac creusé de main d’homme, combat naval entre la flotte d’Égypte et celle de Tyr ; à l’amphithéâtre, combats de bêtes pendant cinq jours ; et à la fin, pour mettre le comble à la joie du peuple, bataille sérieuse entre mille fantassins, cinq cents cavaliers, quatre éléphants ; le sang coule, les hommes périssent. César est un bon maître, il a voulu indemniser son peuple qui ne vit pas les massacres de Thapsus et de Pharsale. Et dans Rome tout entière, vingt-deux mille tables se dressent, chacune de trois lits ; le peuple et l’armée, cent quatre-vingt-dix-huit milles convives y prennent place ; le falerne s’y distribue par amphores, le vin de Chio par tonneaux. »

Par un autre coup de balancier, il se fait adresser par Salluste, son confident, au nom des patriciens, des conseils publics pour la réforme des mœurs et pour la dignité de son gouvernement.

L’historien de Catilina, un peu revenu de sa foi aux panacées politiques, de publiciste se fait moraliste. Il ne cache point à César que son parti n’est pas composé des plus honnêtes gens du monde, qu’autour de lui on pousse à la confiscation et à la tyrannie, qu’on blâme sa clémence, que les vainqueurs réclament leur butin, et que pourtant les vaincus sont des citoyens.

« Mais, dit-il, tu es le maître ; fais en sorte que le peuple qui t’obéit soit le meilleur possible ; le malhonnête homme n’est pas un sujet docile. Ne rends pas, comme les barbares, meurtre pour meurtre, sang pour sang ; continue : Et être clément, quoi qu’on en dise ; ôte la liberté du brigandage ; ôte, pour y parvenir, la liberté des profusions et du luxe ; sans reprendre toutes les lois anciennes, règle les