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CÉSAR.

penses privées ; assure à chacun son patrimoine, en le défendant et contre les rapines d’autrui et contre sa propre folie. Pour sauver la jeunesse de sa ruine pécuniaire et, par suite, de toutes les voies de désordre où elle s’engage (pravœ artes), supprime l’usure ; pour sauver le peuple et le soldat de la pauvreté et de la sédition, supprime les distributions qui le corrompent, et que chaque chose reprenne sa place ! »

César suit ces conseils.

« Les exilés rentrent, écrit Cicéron, César s’adoucit, revient à sa propre nature. On élève un temple à sa clémence ; il est maintenant entouré de nos Pompéiens ; il faut bien espérer du rétablissement de la république. Cassius est remis à la tête de ses légions, Sulpicius reçoit le gouvernement de la Grèce, Brutus gouverne pour César la Gaule cisalpine. »

Puis, comme si César se fût repenti tout à coup de ces retours au passé, il se fait décerner les honneurs divins, le nom de Jupiter-Julius, et raillant insolemment un tribun du peuple qui parlait avec trop de liberté devant lui :

« Tribun, lui dit-il d’un ton sévère, que veux-tu ? Viens-tu donc me redemander la république ? La république n’est rien, c’est un nom. Sylla n’a été qu’un imbécile quand il a abdiqué. Je veux qu’on me parle désormais avec plus de crainte, et que mes volontés soient toutes les lois ! » (Suétone.)

Il laisse murmurer autour de lui que Rome, la vieille capitale de la liberté, ne convient plus pour être la capitale monarchique du monde césarien, et qu’il faut la transplanter à Byzance ou à Troie, sur la côte d’Asie. Le sénat délibère, sous l’inspiration d’un de ses affidés, « une loi qui autorise César à épouser autant de femmes qu’il lui conviendra, afin de mieux assurer sa dynastie. » Il appelle à Rome et il reçoit dans sa maison, à côté de sa femme Calpurnie, fille de Pison, la belle Égyptienne Cléopâtre,