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CÉSAR.

dont la passion l’enivre toujours, et son fils Césarion, pour le montrer aux Romains. Il fait répandre dans le peuple que l’Asie et les Parthes ne peuvent être subjugués que par un héros qui portera le titre de roi, afin de donner un prétexte à la couronne qu’il convoite et qu’il n’ose ceindre encore. On trouva un matin sa statue au Forum couronnée de bandelettes en forme de diadème. Les tribuns firent enlever le diadème et conduire en prison l’homme vendu qui avait prêté la main à cette insinuation par symbole. César parla rudement aux tribuns et les destitua de leurs fonctions, en apparence parce qu’ils lui ravissaient l’honneur du refus, en réalité parce qu’ils avaient préjugé le refus du peuple.

Antoine et ses amis lui faisaient honte de ses tâtonnements et de sa réserve. Une fois qu’il rentrait à Rome de sa maison d’Albe, ils apostèrent des groupes de soldats qui le saluèrent roi ! « Je ne suis pas roi, je suis César, » répondit-il pour édifier le peuple. Mais les applaudissements du peuple à ces paroles le mécontentèrent ; il voulait qu’on lui imposât la royauté, afin d’avoir aux yeux des vieux Romains le profit sans le reproche.

Sa popularité baissait en proportion de l’élévation de ses désirs et de la grandeur de son pouvoir ; il avait laissé passer le moment de l’enthousiasme et de la terreur qui permet tout aux ambitieux ; les démagogues comprimés détestaient le transfuge, le peuple honnête haïssait l’usurpateur, les patriciens le flatteur du peuple, les républicains le sacrilége, le sénat même l’homme qui l’avait flétri en le relevant. Il n’avait plus de faveur que dans la populace et dans l’armée, il avait dans la plèbe et dans les légions les deux forces matérielles ; mais l’opinion, la force morale se retirait. Ses hésitations l’avaient fait réfléchir. « Il ne faut pas, dit Machiavel, laisser réfléchir sur les mauvais desseins »