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CÉSAR.

couronne qui n’est pas faite pour le front d’un citoyen. »

Ce refus forcé ne trompa personne et décida, par l’imminence de la tyrannie, les ennemis de César et les derniers amis de la liberté à prévenir le diadème par le poignard. Les murmures du peuple à la scène vainement préparée des Lupercales apprirent à un petit nombre de républicains conjurés qu’ils avaient Rome presque entière pour complice.

De ce jour, la conspiration latente qui n’était que dans les cœurs s’ourdit dans les conciliabules et devint une conjuration à peine couverte par le mystère. Les conjurés s’enhardirent par la certitude que l’âme du peuple conspirait tout entière avec eux. La haine privée et la haine publique se rencontrèrent dans la même pensée de vengeance : les uns voulaient venger leurs amis, les autres voulaient venger la république.

Mais, il faut le reconnaître à l’atténuation du crime des conspirateurs contre César, une philosophie stoïque, un patriotisme vengeur que les modernes appellent justement crime aujourd’hui et que les anciens appelaient vertu parce qu’il était plus haut que nature, fut le troisième et principal mobile de la conjuration contre le tyran. Le meurtre de César est peut-être la seule conspiration philosophique dont l’histoire ait donné l’exemple au monde, qui se soit armée du poignard par raisonnement, qui ait frappé par devoir et assassiné par vertu. Voilà pourquoi ce grand meurtre, absous par les uns, exécré par les autres, n’est pas encore jugé par tous.

Nous allons en raconter les circonstances, en scruter la nature et en exposer autant qu’il est en nous, sur la foi des contemporains et des acteurs, la cause, le caractère et la criminalité.

Quand les peuples commencent à s’indigner en secret contre leurs tyrans, et quand, de confidence en confidence