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CÉSAR.

inclination. Cette jeune Romaine, d’une haute naissance, d’une beauté majestueuse et d’une éducation virile, descendait de Servilius Ahala, qui avait, dans les commencements de Rome, assassiné un tribun turbulent du peuple pour rendre l’ordre et la paix à sa patrie. Comme Charlotte Corday, Judith du démagogue Marat, l’aïeul de Servilie s’était dévoué à la mort pour délivrer la multitude de la pire des tyrannies, la tyrannie des instigateurs au crime. Elle avait donc dans les veines du sang qui savait couler pour la vertu.

Servilie avait épousé un patricien d’un âge avancé, de l’illustre maison des Brutus. Ces Brutus descendaient eux-mêmes du Brutus, fondateur de la liberté, qui, après avoir chassé les rois, avait supplicié ses propres fils pour avoir conspiré contre leur patrie la restauration des rois. Le jeune Brutus, fils au moins de nom de ce Brutus, mari de Servilie, avait donc à la fois dans ses traditions paternelles et maternelles les inspirations et les exemples des grands complots et des cruels sacrifices pour la patrie. Nous disons au moins de nom, car le jeune Brutus, né sans doute de l’adultère pendant les amours de Servilie avec son corrupteur César, passait pour fils du dictateur de Rome. Servilie s’honorait ouvertement de ce fruit de sa passion pour César ; César se complaisait à voir son propre fils dans Brutus.

On a vu qu’après la victoire de Pharsale, César n’avait pas eu de plus vive sollicitude que de sauver Brutus du fer de ses Gaulois, qu’il l’avait caressé non comme un ennemi auquel on pardonne, mais comme un enfant qu’on délivre des mauvais conseils de son parti, qu’il l’avait ramené à Servilie dans Rome, qu’il lui avait donné le gouvernement de la Gaule cisalpine pour le rattacher à lui par les bienfaits comme par le sang.

Brutus, issu de deux si nobles races auxquelles l’amour