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CÉSAR.

de Servilie, sa mère séduite, de César, son séducteur, et la société de son oncle devenu son beau-père, il n’avait pas hésité à choisir celle de Caton. Sa vertu comme celle de son maître, trop mêlée de vaine gloire, ne péchait que par la roideur et l’exagération qui la faisaient trop ressembler à l’effort. C’était comme un défi orgueilleux et perpétuel à la faiblesse humaine et aux mollesses du temps.

Un vaste génie relevait ces qualités et ces défauts de sa nature. Il le cultivait sans cesse avec les philosophes grecs de l’école antérieure même à Platon, dont sa maison était l’académie à Rome. Il recherchait, à leur exemple, le laconisme substantiel, cette plénitude sans débordement du discours. Ses plaidoyers et ses lettres aux provinces dont il était le patron, ses harangues militaires à ses légions, renfermaient plus de sens que de mots. La brièveté était pour lui le stoïcisme de la parole. Cette affectation et cette recherche des formes laconiques d’exprimer sa pensée n’en excluaient pas l’étude et l’élégance. Ses discours, comme ceux de Démosthène, sentaient la lampe des veilles qu’ils lui avaient coûtées ; on le verra, à la fin de sa vie, préparer, polir et repolir pendant trois ans le discours qu’il devait prononcer devant le peuple romain, le poignard sanglant à la main, pour justifier le meurtre de César. La rhétorique se mêlait à tout, même à l’héroïsme, dans ces contrées où la tribune était souveraine.

Au moment où César passa le Rubicon, Brutus, quoique assuré de sa faveur et peut-être héritier naturel de ses crimes, gouvernait comme préteur la Sicile. Il n’hésita pas à se prononcer pour la république contre son père. Il n’examina pas, comme Cicéron, les chances du succès, mais la légitimité de la cause. Il se rendit auprès de Pompée, à Pharsale, pour combattre ou pour mourir avec le droit. Sa renommée précoce était telle que Pompée, en le voyant entrer dans sa tente, se leva de son siége, et, oubliant tous