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CÉSAR.

les personnages considérables auxquels il donnait audience, courut à lui, l’embrassa et félicita hautement la république de l’accession du jeune Brutus comme du signe le plus certain du droit et de la sainteté de sa cause.

Après Pharsale, il avait suivi César comme captif plus que comme fils. La mort de Pompée, l’anéantissement de ses fils en Espagne, la bataille de Thapsus, le suicide de Caton, le triomphe fatal, mais universel, de César sur la république, l’avaient sinon converti, du moins réduit en apparence à la domination du dictateur. César, habile à séduire comme à vaincre, l’avait persuadé, dans ses entretiens intimes avec lui, qu’il n’avait d’autre but que de rétablir, après la paix imposée aux partis, les institutions, le sénat, l’aristocratie, la république ; il avait fini par lui faire accepter, par le gouvernement de la Gaule, un rôle dans sa tyrannie.

Brutus avait eu la faiblesse d’y consentir et de croire que la même main qui renverse les lois peut les relever. Il s’était lavé autant qu’il l’avait pu à ses propres yeux de sa participation malséante au règne de César, par la justice et la douceur de son administration dans la Gaule romaine. Il y était adoré comme le contre-poids de la tyrannie de César ; il y attendait avec une confiance douteuse que César exécutât ses promesses pour la restauration de la liberté. Toutes les lettres qui lui venaient depuis quelque temps de Rome, toutes les tentatives d’Antoine, tous les pas de César vers la monarchie, tous ses sacriléges contre les consuls, le sénat, les tribuns, le peuple, l’avaient enfin détrompé sur la feinte républicaine du dictateur. Il était revenu à Rome, l’oreille ouverte aux gémissements de la patrie, le cœur aigri par les déceptions du tyran ; il rougissait d’avoir été dupe, d’avoir aliéné dans cette expectative déçue une partie de sa. vertu, aux yeux des républicains stoïques ; il détestait plus encore dans César le trompeur que l’ambitieux, il ne lui