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CÉSAR.

ses couvertures dans son sang. Brutus accourut à la nouvelle de la maladie de sa femme, sans savoir, non plus que toute sa maison, la cause de sa pâleur et de sa fièvre. Porcia, à son approche, ayant fait retirer tous les assistants, demanda à lui parler sans témoins.

« Brutus ! lui dit-elle dans un entretien littéralement conservé par les Mémoires de son propre fils, Brutus, je suis la fille de Caton, et je vous ai été donnée par lui, non pas pour être seulement compagne de votre couche et commensale de votre table, comme les concubines, mais pour partager, en tout, vos biens ou vos maux. De votre côté, vous ne m’avez jamais donné le moindre sujet de me plaindre de mon union avec vous. Mais quelle marque puis-je donc à mon tour vous donner de mon amour et de ma reconnaissance, si je ne suis capable ni de partager avec vous une extrémité pénible et cachée, ni de supporter pour vous, comme votre plus chère confidente, le secret périlleux d’une entreprise qui demande de la fidélité et de la constance ? Je sais bien qu’en général on considère le caractère des femmes comme trop faible pour qu’elles gardent avec une sûreté parfaite un mystère qui leur est confié. Mais, Brutus, la bonne éducation et le commerce des hommes sages et vertueux ont quelque pouvoir et quelque influence sur les mœurs ; fille de Caton, épouse de Brutus, ces deux titres me commandent d’être digne d’eux ; cependant je ne me suis pas encore assez fiée à ces garanties de mon devoir, que je n’aie voulu, avant de vous demander votre secret, faire sur moi-même l’épreuve de ma constance ; maintenant je suis sûre, et j’ai appris, par ma propre main, que la douleur ne peut rien sur moi ! »

À ces mots elle souleva ses couvertures et montra à son mari la blessure d’où coulait son sang. Brutus, extasié d’admiration, lève ses mains au ciel, s’écrie et prie les dieux de l’inspirer d’assez de constance et de vertu dans