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CÉSAR.

abords du sénat pour connaître plus tôt son sort ; enfin, ne pouvant contenir son angoisse, elle s’affaissa sur elle-même à la porte de sa maison, devant les passants, qui la rapportèrent à ses serviteurs évanouie et la croyant morte.

Le bruit de cet évanouissement en public ou de cette mort de sa femme parvint rapidement de bouche en bouche à Brutus. Dans la crainte plus grande de manquer au salut de sa patrie, il surmonta en apparence la crainte qu’il avait sur l’évanouissement de Porcia. Il attendait César, et la liberté attendait sa main. Il demeura immobile sur son siége au sénat.

Cependant César, malade, inquiet des transes et des rêves de sa femme Calpurnie, le plus tendre et le plus sûr des augures, avait renoncé en effet à se rendre au sénat, et il donnait contre-ordre à son cortége.

Mais au moment où il cédait aux avis et aux songes de Calpurnie, et où il remettait à un autre jour ce qu’il avait déjà tant de fois remis, un de ses familiers les plus agréables, Décimus Brutus, surnommé Albinus, parent du chef des conjurés, conjuré lui-même, et le plus perfide de tous, entra et lui fit honte de son hésitation. Après s’être moqué des rêves de femmes et des prophéties des augures payés pour mentir et mentant pour être payés, il parla à César un langage plus sérieux en apparence. Chargé de le pousser dans le piége où l’attendaient ses amis, Décimus Brutus lui représenta qu’il allait donner, par cette absence, un nouveau texte aux murmures du sénat et du peuple contre lui.

« Les sénateurs, lui dit-il, ne se sont rassemblés que sur votre convocation, pour vous déclarer monarque de tout l’empire romain hors de l’Italie, et pour vous accorder le privilége d’y porter le bandeau et le diadème ; à présent qu’ils ont pris depuis longtemps leur siége dans le portique