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CÉSAR.

de Pompée, si quelqu’un vient leur dire qu’ils n’ont qu’à se retirer et à attendre que Calpurnie ait eu des songes plus favorables, quel sujet de plainte ne donnerez-vous pas à vos envieux ? Et comment vos amis eux-mêmes pourront-ils pallier dans l’opinion une servitude plus insolente et une tyrannie plus dédaigneuse ? Si vous voulez absolument remettre la délibération à un autre jour, allez-y au moins vous-même, et faites l’honneur au sénat de le congédier de votre propre bouche ! »

En parlant ainsi, il tirait César par la main et lui faisait autant violence par le geste que par le discours. César, sans aucun soupçon de l’affection et de la sincérité d’Albinus, à l’amitié de qui il croyait tellement qu’il l’avait nommé le second de ses héritiers dans son testament, se laissa entraîner hors de son palais et prit le chemin du portique de Pompée.

À peine était-il dans la rue, qu’un philosophe grec de l’intimité de Brutus, qui venait de flairer quelque vent de la conjuration, accourut un papier à la main, et, se penchant vers sa litière, lui dit à l’oreille : « Lisez seul et vite ; il s’agit de choses graves et urgentes ! » César prit le papier pour le lire ; mais, interrompu à chaque instant par la foule des solliciteurs qui jetaient des suppliques sur sa litière ou qui lui adressaient des salutations et des vœux, il ne put lire le papier d’Artemidon, et arriva aux portes du sénat en le tenant non encore déployé dans la main.

Les vingt-trois principaux conjurés attendaient sous le portique, comme pour lui faire cortége, mais en réalité pour l’envelopper d’un cortège pressé de meurtriers. Ils auraient pu le frapper dans cette mêlée qui obstruait les portes, mais ils voulaient le tuer en plein sénat, afin que le meurtre parût au peuple, non un homicide, mais un jugement à mort ordonné ou acclamé par le sénat lui-même. Pour que la chute du tyran fût la fin de la tyrannie,