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CÉSAR.

il fallait, selon Brutus, que le coup de poignard fût un coup d’État.

César entra au milieu de ses assassins, le sénat se leva tout entier à son aspect ; il alla s’asseoir en face des sénateurs, sur un siège isolé, près de la statue de Pompée, séparé du sénat par l’espace vide qui s’étendait entre sa place et les pourtours de la vaste enceinte. Pendant le moment de confusion et de bruit qui suit l’entrée de l’homme principal et qui précède la délibération, Popilius Lenas, ce même sénateur qui avait dit en passant un petit mot énigmatique à Brutus, s’approcha de César ; par respect et par discrétion les amis du dictateur s’éloignèrent de quelques pas pour ne pas entendre une conversation confidentielle entre deux hommes si importants.

L’entretien, vif et à mots pressés sur les lèvres, fit redouter un moment aux conjurés attentifs que ce ne fût une révélation du complot soupçonné, mais non confié à ce sénateur. Déjà Brutus cherchait de la main son poiguard, sous sa robe, pour s’en frapper lui même plutôt que d’attendre l’ignominie du supplice, quand l’insistance obstinée et les gestes suppliants de Popilius Lenas lui firent conjecturer que ce n’était pas une délation, mais une supplique que le sénateur adressait au dictateur. Brutus regarda Cassius avec un visage rassuré, et Lenas, baisant la main de César, se retira de lui et remonta à son banc.

À peine César était-il assis que Trébonius, un des confidents du complot, chargé d’éloigner sans affectation les défenseurs du tyran, entraîne Antoine hors de la salle et le retient dans les vestibules, sous prétexte d’affaires graves à lui confier. Dès que Trébonius, à qui Cicéron, dans une de ses harangues, reproche comme un crime d’avoir ainsi préservé Antoine de la mort, fut sorti, tous les conjurés descendirent en foule de leurs places et se pressèrent, sous l’apparence d’un respectueux concours,