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CÉSAR.

autour de César, pour le séparer ainsi de tous ses amis. Feignant tous d’avoir, à l’envi les uns des autres, des félicitations ou des requêtes à lui adresser, ils formèrent autour de son siège un attroupement et un tumulte d’empressement simulé qui ne laissait ni voir, ni entendre, ni discerner ce que chacun d’eux avait à lui dire.

Cimber était chargé de donner le signal de frapper, par un geste convenu d’avance avec ses amis. Il s’était jeté aux genoux du dictateur, il les embrassait en demandant avec instance le rappel de son frère proscrit ; sans se rebuter du refus, et comme si l’ardeur de la supplication eût égaré ses mains agitées, il saisit tout à coup les bords supérieurs de la robe de César, et, les rabaissant violemment, il découvrit à nu le cou et les épaules de la victime. À ce signal, Casca frappa par derrière d’un coup mal asséné la nuque de César ; César se retourna, et, saisissant de la main droite le manche du poignard qui l’avait blessé : « Scélérat de Casca, s’écria-t-il, que fais-tu ?

» — À moi, mon frère ! » cria Casca en langue grecque ; et il cherchait à arracher son arme de la main de César.

À ce cri, à ce sang, tous les conjurés à la fois, tirant leurs poignards de leur sein, fondirent sur le dictateur encore debout, et, dans cette mêlée de bras et de fers, ne trouvant pas assez de place pour leurs coups, se blessèrent eux-mêmes en perçant à l’envi le corps de César.

César, frappé de tant de glaives, cherchait à travers cette voûte d’acier, en s’élevant sur la pointe des pieds, s’il n’y avait nulle voie à la fuite et nul secours de ses amis, quand, pour unique sauveur, il aperçut parmi ses assassins Brutus ! Brutus, blessé à la main par le fer d’un de ses complices, dans la confusion des premiers coups, brandissait encore dans sa main saignante la pointe du poignard qui cherchait le cœur de César.

À l’aspect de Brutus, soit horreur de reconnaître son fils