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CÉSAR.

chercher leur salut dans le silence et dans la retraite au Capitole. Le respect personnel pour Brutus couvrit seul encore cette retraite et empêcha la populace de massacrer les conjurés.

Pendant ces anxiétés des meurtriers et ces hésitations de la foule entre la joie et la pitié de la mort de César, la nuit était descendue sur la ville. L’inaction des conjurés laissait cette nuit aux amis de César, au sénat et aux consuls, pour ressaisir le sang-froid qui leur avait manqué et le pouvoir échappé avec la vie des mains du tyran. Dans le premier trouble causé par le premier bruit du meurtre du dictateur, on s’était attendu à voir éclater une révolution aussi terrible que la conjuration paraissait profonde, vaste et atroce. On croyait que les conjurés, presque aussi nombreux que le sénat lui-même, allaient égorger, proscrire, incendier les maisons des partisans de leur victime, relever on ne sait quel pouvoir aristocratique sur les ruines de la tyrannie, et recommencer en grand le règne sanguinaire de Sylla.

Mais quand on vit que les sénateurs, aussi étonnés que le peuple, s’étaient enfuis d’horreur dans leurs maisons sans être immolés en route ; que ni légion, ni peuple, ni magistrats ne se déclaraient pour les meurtriers ; que les conjurés en groupe, impuissants par leur voix et par leurs gestes, au lieu de s’emparer de la ville, se réfugiaient dans le Capitole, comme dans un lieu d’asile, attestant ainsi eux-mêmes l’incertitude où ils étaient d’être condamnés ou absous par la multitude ; qu’enfin le discours de Brutus n’avait produit qu’un muet étonnement dans le peuple, et celui de Cinna qu’un soulèvement d’indignation, alors les hommes exercés à juger les cœurs par les symptômes se rassurèrent, se rapprochèrent, se concertèrent pendant la nuit, puis convoquèrent hardiment le sénat au lever du jour, pour aviser, sur le cadavre de