Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
401
CÉSAR.

plus délicat de la situation. Cet interrègne fut la candidature d’Antoine à l’empire du monde ; si ses dissolutions n’avaient pas prévalu plus tard sur sa politique, Antoine aurait vaincu Octave en intrigue et en gouvernement des partis.

Sûr, par son entrevue avec Brutus, de la faiblesse et de l’inaction des républicains protégés alors par lui-même, Antoine se rendit au sénat. Le sénat était embarrassé de savoir s’il traiterait César mort en tyran renversé de la tyrannie ou en victime immolée criminellement par des assassins ; avant de se prononcer, ce corps timide, encore tout garrotté des honneurs et des salaires de César, voulait sonder la véritable impression du peuple. Se tromper, c’était s’exposer ou au mépris des républicains ou à la colère de la multitude.

Antoine, consommé en expédients, demanda qu’avant tout on lût publiquement devant le peuple le testament de César. Il savait que ce testament était plein de largesses faites aux citoyens par le dictateur, et que la reconnaissance et l’intérêt plaideraient dans le cœur des Romains la cause du testateur. Il insista aussi pour des funérailles publiques, dont le spectacle et l’émotion ne pouvaient manquer de produire une explosion d’attendrissement et de fanatisme en faveur de la victime. La tyrannie morte devait indubitablement ressortir de ce bûcher. Brutus lui-même, présent au sénat, fit la faute, ou par générosité, ou par peur, ou par défi, d’appuyer la motion d’Antoine. C’était le vengeur qui se posait en coupable devant ceux qu’il avait délivrés. Le sang de César donnait le vertige à son meurtrier.

Ce qu’Antoine avait prévu, ce que Brutus devait prévoir, arriva. À peine Antoine, monté à la tribune aux harangues sur le Forum, eut-il fait lire le testament par lequel César donnait a chaque citoyen une somme de