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CÉSAR

qui étaient sur la place, et faisant de tous ces débris de sa demeure un immense bûcher, elle y brûla le corps de César dans un incendie de Rome plutôt que dans un bûcher funèbre. Donnez donc la liberté au peuple pour qu’il en fasse l’apothéose de la tyrannie !

La rage du peuple contre ceux qui avaient cru l’affranchir était telle, qu’un sénateur, ami de César, nommé Cinna, qui était malade, ayant voulu assister aux obsèques du dictateur, fut massacré et traîné en lambeaux dans les rues de Rome, parce que, sur une ressemblance fatale de nom, le peuple l’avait pris pour Cinna, l’ami et le complice de Brutus.

Brutus lui-même, quoique respecté seul encore par le peuple, qui ne pouvait imputer à crime l’erreur d’une si rare vertu, sortit de Rome, se proscrivant lui-même et méditant amèrement sur l’inanité des assassinats. On agita, il agitait lui-même dans sa conscience le droit ou le crime d’immoler les tyrans. On les immole toujours en vain. Le fantôme qui se leva devant Brutus, la veille de la bataille de Philippes, n’était autre que son remords. Le premier supplice du crime, c’est d’être toujours trompé.

Certes, César avait trop bien mérité les vingt-trois coups de poignard qui l’étendirent sans vie aux pieds de la statue de Pompée et du sénat asservi par lui.

Il l’avait mérité en soulevant la démagogie romaine pendant ses premières années contre la liberté régulière pour la jeter sciemment dans la licence qui appelle toujours l’épée du dictateur, ce niveau de fer sous lequel tout est petit.

Il l’avait mérité en se faisant, dans les Gaules, une milice personnelle et soldatesque des légions que la république lui avait confiées pour agrandir et préserver Rome.

Il l’avait mérité en ne voulant souffrir aucun égal dans