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CÉSAR.

volonté légale de son pays, il ne la savait pas, il ne pouvait que la présumer, on ne tue pas par présomption et par hypothèse ; c’était enfin la dissimulation de la perfidie, il endormait César, il lui dérobait l’embûche, et le jour il cachait son poignard sous sa robe, il souriait du visage en immolant du cœur, il envoyait Albinus, l’ami de César, tirer César par des caresses de sa maison et le pousser au piège en le couvrant de mensonges et d’adulations.

Si de tels moyens ne sont pas innocents, l’acte qui les nécessite est-il honorable ? La vraie vertu emprunte-t-elle jamais ses moyens au crime ? Et la même conscience peut-elle à la fois déshonorer la route et glorifier le but ? Non, c’est une contradiction que l’homme invente par des sophismes politiques, mais que Dieu n’a pas faite et que la conscience n’absout jamais.

Brutus était donc vertueux d’intention, criminel de fait ; il risquait de plus d’être parricide. Que le fanatisme loue ! la conscience réprouve et la nature frémit. Brutus s’est trompé en droit, il s’est trompé en moyens, il s’est trompé en meurtre.

Mais, disions-nous tout à l’heure, il s’est trompé peut-être en politique ? Expliquons ici ce mot pour qu’on saisisse bien notre pensée en résumant cette vie et cette mort de César.

On a beaucoup innocenté César dans la première moitié de ce siècle et beaucoup calomnié la liberté régulière parce que la liberté avait succombé et que les théoriciens politiques ont des sophismes, des doctrines et des adulations au service de tous les succès. On a beaucoup agité si la république romaine aurait vécu, même dans le cas où César ne l’aurait pas tuée. « Il était légitime de la tuer, dit-on, parce qu’elle ne pouvait plus vivre longtemps. »

C’est comme si l’on disait qu’il est innocent de tuer une