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CÉSAR.

chose ou un homme mortels parce que cette chose ou cet homme mortels sont condamnés par la nature à mourir un jour ! Sophisme et iniquité ! Ce n’est pas celui qui veut sauver, c’est celui qui tue qui est le meurtrier. César était d’autant plus criminel de porter le dernier coup aux institutions de son pays, que la république était plus chancelante et qu’elle avait moins de force et moins de vertu publique pour se défendre. La lâcheté se trouvait en cela réunie à l’attentat.

Mais est-il bien vrai qu’il n’y eût plus ni vertu, ni énergie, ni républicains dans la république romaine, quand César, tournant contre elle les légions, les barbares, les Espagnols et les Gaulois, vint l’égorger dans son berceau, à Rome ?

Que sont donc ces sept cent mille citoyens romains, et ces quatorze légions de Pharsale, et ces quatre légions d’Égypte, et ces douze légions d’Afrique, et ces douze légions d’Espagne, qui combattent jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour elle ? Que sont donc les Pompée, les Bibulus, les Scipion, les Cassius, les Brutus, les Caton, la bourgeoisie et la noblesse tout entière de Rome, qui désertent l’Italie, leurs foyers, leurs biens, leurs temples, leurs fortunes, plutôt que de consentir à l’asservissement de la république, et qui combattent et meurent pendant sept ans pour aller partout où une plage d’Europe, d’Afrique et d’Asie leur laisse assez de place pour combattre et pour mourir ? Une république qui se défend ainsi et qui, à l’exception de Cicéron, ne rend la liberté qu’avec le dernier soupir, après une si héroïque agonie et après de si solennels suicides, était-elle une république déjà morte, une république sans volonté de vivre, sans énergie et sans vertu ? Les casuistes de la tyrannie le disent, mais le sang de ces millions de citoyens de Rome, et des premiers et des meilleurs citoyens, proteste. Fouillez