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CICÉRON.

mère et de sa nourrice on ne sait quel pressentiment de grandeur et de vertu innées. Helvia était d’un sang illustre. Sa famille paternelle cultivait obscurément ses domaines modiques dans les environs d’Arpinum, sans rechercher les charges publiques et sans venir à Rome, contente d’une fortune modique et d’une considération locale dans sa province. Malgré la nouveauté de son nom, que Cicéron fit le premier éclater dans Rome, cette famille remontait, dit-on, par filiation jusqu’aux anciens rois déchus du Latium. Le grand-père et les oncles de Cicéron s’étaient distingués déjà par l’aptitude aux affaires et par quelques symptômes inattendus d’éloquence dans des députations envoyées par leur ville à Rome pour y soutenir de graves intérêts. Il est rare que le génie soit isolé dans une famille ; il y montre presque toujours des germes avant d’y faire éclore un fruit consommé. En remontant de quelques générations dans une race, on reconnaît a des symptômes précurseurs le grand homme que la nature semble y préparer par degrés. Cela fut ainsi dans la famille poétique du Tasse, dont le père était déjà un poëte de seconde inspiration ; ainsi dans la famille de Mirabeau, dont le père et surtout les oncles étaient des orateurs naturels et sauvages, plus frustes, mais peut-être plus natifs que le neveu ; ainsi de Cicéron et de beaucoup d’autres. La nature élabore longtemps et sourdement ses chefs-d’œuvre dans l’humanité comme dans les minéraux et les végétaux. L’homme est un être successif qui retrace et contient peut-être dans une seule âme les vertus des âmes de cent générations.

Ces aptitudes et ces goûts oratoires et littéraires de la famille de Cicéron, et la tendresse qui se change en ambition pour son fils dans le cœur d’une noble mère, firent élever dans les lettres grecques et romaines l’enfant qui promettait de bonne heure tant de gloire à sa maison. La littérature grecque était alors pour les jeunes Romains ce