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CICÉRON.

vait plus que ses formes, où les généraux étaient des tribuns, et où les factions étaient des camps.

Tel était l’état de la république romaine quand le jeune Cicéron revêtit la robe virile, pour prendre son rôle de citoyen, d’orateur, de magistrat dans la scène du temps.

Marius, plébéien d’Arpinum, après s’être illustré dans les camps et avoir sauvé l’Italie de la première invasion des barbares du Nord, avait pris parti à Rome pour le peuple contre les patriciens et contre le sénat. Démagogue armé et féroce, il avait prêté ses légions à la démocratie pour immoler l’aristocratie. Ses proscriptions et ses assassinats avaient décimé Rome et inondé de sang l’Italie. Sylla, patricien de Rome, d’abord lieutenant, puis rival de Marius, lui avait à son tour enlevé sa gloire et ses légions, les avait ramenées contre sa patrie, avait proscrit les proscripteurs, égorge les égorgeurs, assassiné en masse le peuple, asservi le sénat en le rétablissant, élevé les esclaves au rang de citoyens romains, partagé les terres des proscrits entre ses cent vingt mille légionnaires, puis abdiqué sous le prestige de la terreur qu’il avait inspirée au peuple, et remis enjeu les ressorts de l’antique constitution, faussés, subjugués, ensanglantés par lui. Une guerre qu’on appelait la guerre sociale, guerre des auxiliaires de la république contre Rome elle-même, avait compliqué encore, par l’insurrection de l’Italie, cette mêlée d’événements, de passions, de proscriptions, de sang et de crimes. Sylla en triompha. Les bons citoyens de Rome s’enrôlèrent, pour défendre la patrie, même sous la dictature d’un tyran. Cicéron y suivit son modèle et son maître, l’orateur Hortensius. Il en revint avec les légions victorieuses de Sylla, pour assister avec horreur a l’éclipse de toute liberté, aux dictatures, aux prescriptions, aux égorgements de Rome. Son extrême jeunesse et sa vie studieuse à Arpinum le dérobèrent non