Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 34.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
CICÉRON.

généraux, l’oppression des citoyens, la ruine de la république.

Il céda enfin au sort, et succomba avec sa patrie. S’attendant bien, après son départ, à la dévastation ou à l’incendie de sa maison, il en voulut préserver au moins les choses vénérées ; et, prenant dans ses divinités domestiques une petite statue en ivoire de Minerve, gardienne et protectrice de Rome, symbole de cette sagesse divine qui inspire et qui conserve les empires, il la porta au Capitole, forteresse, temple et palais de Rome, et l’y consacra pour la rendre inviolable aux spoliateurs. Puis, suivi d’un petit nombre d’amis et de serviteurs, armés pour le protéger contre le poignard, il sortit la nuit de Rome, et prit par des sentiers in fréquentés le chemin de la mer de Sicile.

À peine Clodius eut-il connaissance de son départ, qu’arrachant plus facilement au peuple un vain décret d’exil contre celui qui semblait s’exiler lui-même, il fit porter un plébiscite qui bannissait à jamais Cicéron à cinq cents milles de distance de la ville, et qui ordonnait, sous peine de mort, à tous les citoyens, de refuser le feu et l’eau à celui que la reconnaissance publique avait proclamé le second fondateur de Rome.

Il arriva à Cicéron, dans sa fuite, ce qui arrive à tous les hommes puissants tombés dans la disgrâce de la fortune et dans l’inimitié du peuple. Ceux qui ne le connaissaient que par sa renommée et qui ne lui devaient rien l’accueillirent avec une généreuse hospitalité, et s’honorèrent d’offrir l’abri de leur toit à une grande infortune poursuivie par une grande injustice. Ceux qu’il avait élevés aux honneurs et comblés de biens pendant son consulat se détournèrent, de peur d’être contaminés aux yeux des puissants du jour par son contact, ou se hâtèrent de l’accuser et de l’insulter, de peur qu’on ne les crût reconnaissants. Le préteur de Sicile, qui lui devait tout, le fit prier de ne pas espérer un