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CICÉRON.

ter à sa suite les images de ses ancêtres, sans lamentations ni jeux, ni chants funèbres, ni éloge, ni convoi ; en un mot, sans aucun de ces derniers honneurs que les ennemis mêmes ne refusent pas à leurs ennemis. Sans doute le ciel n’a pas permis que les images des citoyens les plus illustres honorassent cet exécrable parricide, et son cadavre devait être déchiré dans le lieu où sa vie avait été détestée.

» Je déplorais le sort du peuple romain, condamné depuis si longtemps a le voir impunément fouler aux pieds la république : il avait souillé par un adultère les mystères les plus saints ; il avait abrogé les sénatus-consultes les plus respectables ; il s’était ouvertement racheté des mains de ses juges. Tribun, il avait tourmenté le sénat, annulé ce qu’il avait fait, du consentement de tous les ordres, pour le salut de la république ; il m’avait banni de ma patrie, il avait pillé mes biens, brûlé ma maison, persécuté ma femme et mes enfants, déclaré une guerre impie à Pompée, massacré des citoyens, des magistrats, réduit en cendres la maison de mon frère, dévasté l’Étrurie, dépossédé une foule de propriétaires. Infatigable dans le crime, il poursuivait le cours de ses attentats. Rome, l’Italie, les provinces, les royaumes, n’étaient plus un théâtre assez vaste pour ses projets extravagants…

» Pour moi, mon cœur se déchire, mon âme est pénétrée d’une douleur mortelle, lorsque j’entends ces paroles que chaque jour Milon répète devant moi : « Adieu, mes chers concitoyens, adieu ; oui, pour jamais adieu. Qu’ils vivent en paix, qu’ils soient heureux ; que tous leurs vœux soient remplis, qu’elle se maintienne, cette ville célèbre, cette patrie qui me sera toujours chère, quelque traitement que j’en éprouve ; que mes concitoyens jouissent sans moi, puisqu’il ne m’est pas permis de jouir avec eux, d’une tranquillité que cependant ils ne devront qu’à moi. Je partirai, je m’éloignerai. Si je ne puis partager le