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CICÉRON.

bonheur de Rome, je n’aurai pas du moins le spectade de ses maux ; et des que j’aurai trouvé une cité où les lois et la liberté soient respectées, c’est là que je fixerai mon séjour. Vains travaux, ajoute-t-il, espérances trompeuses, inutiles projets ! Lorsque, pendant mon tribunat, voyant la république opprimée, je me dévouais tout entier au sénat expirant, aux chevaliers romains dénués de force et de pouvoir, aux gens de bien découragés et accablés par les armes de Clodius, pouvais-je penser que je me verrais un jour abandonné par les bons citoyens ? Et toi (car il m’adresse souvent la parole), après t’avoir rendu à la patrie, devais-je m’attendre que la patrie serait un jour fermée pour moi ? Qu’est devenu ce sénat à qui nous avons été constamment attachés ? ces chevaliers, oui, ces chevaliers dévoués a tes intérêts ? le zèle des villes municipales ? ces acclamations unanimes de toute l’Italie ? Et toi-même, Cicéron, qu’est devenue cette voix, cette voix salutaire à tant de citoyens ? Est-elle impuissante pour moi seul, qui tant de fois ai bravé la mort pour toi ?… »

» Je vous implore, Romains, qui avez tant de fois versé votre sang pour la patrie ; braves centurions, intrépides soldats, c’est à vous que je m’adresse dans les dangers d’un homme courageux, d’un citoyen invincible. Vous êtes présents, que dis-je, vous êtes armés pour protéger ce tribunal, et sous vos yeux on verrait un héros tel que lui repoussé, banni, rejeté loin de Rome ! Malheureux que je suis ! C’est par le secours de les juges, ô Milon, que tu as pu me rétablir dans ma patrie, et je ne pourrais par leur secours t’y maintenir toi-même ! Que répondrais-je a mes enfants qui te regardent comme un second père ? O Quintilius ! ô mon frère, absent aujourd’hui, alors compagnon de mes infortunes, que te dirai-je ? Que je n’ai pu fléchir en faveur de Milon ceux qui l’aidèrent à nous sauver l’un et l’autre ? Et dans quelle cause ? Dans une cause où nous