Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/10

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sur les sables ondulés des rivages du lac Asphaltite. À l’occident, un large désert de sable nous séparait des bords du Jourdain que nous ne pouvions discerner, de la mer Morte, et des montagnes bleues de l’Arabie Pétrée. Ces montagnes, vues à cette heure et de cette distance, nous semblaient, par le jeu des ombres sur leurs croupes et dans leurs vallées, parsemées de culture et ombragées d’immenses forêts ; les ravins blanchâtres qui les sillonnent imitaient, à s’y méprendre, la chute et l’éblouissement des eaux d’une cascade. Il n’en est rien cependant : quand j’en approchai, je reconnus qu’elles ne présentaient, en plus grand, que le même aspect stérile et dépouillé des montagnes de la Judée. Autour de nous tout était riant et frais, quoique inculte ; l’eau anime tout, même le désert ; et les arbustes légers qui étaient répandus, comme des bocages artificiels, par groupes de deux ou trois sur ses bords, nous rappelaient les plus doux sites de la patrie.

Nous montâmes à cheval ; nous ne devions être qu’à une heure de Jéricho, mais nous n’apercevions ni murs ni fumée dans la plaine, et nous ne savions trop où nous diriger, quand une trentaine de cavaliers bédouins, montés sur des chevaux superbes, débouchèrent entre deux mamelons de sable et s’avancèrent en caracolant au-devant de nous. C’était le scheik et les principaux habitants de Jéricho qui, informés de notre approche par un Arabe du gouverneur de Jérusalem, nous cherchaient dans le désert pour se mettre à notre suite. Nous ne connaissions les Arabes du désert de Jéricho que par la renommée de férocité et de brigandage qu’ils ont dans toute la Syrie, et nous ne savions trop, au premier moment, s’ils venaient à nous en amis ou