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à l’œil même de l’ignorant, que le mystérieux et l’antique parlent à l’esprit et à l’âme du philosophe, je l’entends ; et je ne l’entendis jamais aussi fortement que dans ce chaos de marbres, de formes, de mystères qui encombrent cette merveilleuse cour.

Et cependant ce n’était rien encore auprès de ce que nous allions découvrir tout à l’heure. — En multipliant par la pensée les restes des temples de Jupiter Stator à Rome, du Colisée, du Parthénon, on pourrait se représenter cette scène architecturale ; il n’y avait encore de prodiges que la prodigieuse agglomération de tant de monuments, de tant de richesses et de tant de travail dans une seule enceinte et sous un seul regard, au milieu du désert, et sur les ruines d’une cité presque inconnue.

Nous nous arrachâmes lentement à ce spectacle, et nous marchâmes vers le midi, où la tête de six colonnes gigantesques s’élevait comme un phare au-dessus de cet horizon de débris : pour y parvenir, nous fûmes obligés de franchir encore des murs d’enceintes extérieures, de hauts parvis, des piédestaux et des fondations d’autels qui obstruaient partout l’espace entre ces colonnes et nous : nous arrivâmes enfin à leur pied. Le silence est le seul langage de l’homme, quand ce qu’il éprouve dépasse la mesure ordinaire de ses impressions. Nous restâmes muets à contempler ces six colonnes, et à mesurer de l’œil leur diamètre, leur élévation, et l’admirable sculpture de leurs architraves et de leurs corniches : elles ont sept pieds de diamètre et plus de soixante-dix pieds de hauteur ; elles sont composées de deux ou trois blocs seulement, si parfaitement joints ensemble qu’on peut