Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/106

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giens ont affaire à une masse d’hommes qui n’est pas un peuple ; d’autre part, ils ne savent pas entrer dans le rôle du princeps et gouverner comme faisait l’empereur. Ils n’ont point pris de mœurs nouvelles, et, des mœurs anciennes, ils ont gardé surtout l’habitude des relations privées qui vont bientôt se substituer aux relations politiques. Ainsi les rois francs, au moment même où ils s’établissent dans des provinces de l’État romain, perdent cette notion de l’État, que les Germains entrevoyaient et qu’ils ont peu à peu précisée dans les royaumes scandinaves et anglo-saxons où ils n’ont pas rencontré les ruines des institutions romaines.

Il serait intéressant de suivre à travers l’histoire mérovingienne les manifestations de cette politique enfantine qui ne soupçonne même pas l’existence des principes les plus élémentaires et ne comprend que le visible, le tangible, le concret. On y verrait que c’est une bonne fortune pour un roi que d’être un bel homme : les Francs sont fiers de la beauté de Clovis et de sa chevelure, répandue en torrent sur ses épaules. Un vieillard infirme n’est plus digne de régner ; Clovis, pour exciter au parricide le fils du roi de Cologne, lui dit : « Ton père vieillit et boite de son pied malade. » Un roi mérovingien n’imagine pas que la paix puisse être assurée par des institutions régulières : si Gontran demande aux Francs de le laisser vivre trois années, c’est que son successeur Childebert ne sera majeur que dans trois ans ; il faut donc patienter jusque-là ; autrement le peuple, privé de son protecteur, périrait. Il n’y a donc point de lois, point d’État ; une personne tient lieu de tout. Aussi le gouvernement n’est-il pas autre chose que les relations de cette personne avec tels et tels individus.

Le roi mérovingien est à proprement parler le chef d’une grande clientèle ; il a des compagnons qui vivent sous son toit et mangent à sa table, des contubernales et des convivæ. Riche et grand propriétaire, il donne des terres à l’Église, il en donne à tous ceux qu’il croit capables de le servir et qui sont, comme disent les écrivains du temps, des hommes utiles (utiles). D’autre part, l’état général des mœurs et de la société, les guerres politiques et privées, les violences de toute espèce