Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/114

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temps, l’anecdote abrégée par Grégoire, savent tous deux le nom du leude fidèle : il s’appelait Wiomad. Les artifices de Wiomad pour rapatrier les Francs avec son maître étaient le sujet de la chanson barbare sur l’exil de Childéric ; Frédégaire et le Liber historiæ les relatent avec complaisance ; mais ils sont à la fois si compliqués et si naïfs, ces artifices, que l’on voit très bien pourquoi Grégoire, un peu choqué, les a dédaigneusement syncopés en un mot : « pacatis occulte Francis. »

Les fouilles les plus minutieuses dans la Chronique de Grégoire de Tours n’y feront donc découvrir que des squelettes de chansons franques ou gallo-franques, documents habillés en faits historiques et si bien déguisés que personne, pendant longtemps, n’en a soupçonné la nature. — Frédégaire et l’auteur du Liber historiæ, au contraire, très crédules, très ignorants, n’étaient pas hommes à exercer un contrôle sur les documents dont ils se servaient. Cependant, on ne saurait juger en connaissance de cause l’épopée mérovingienne d’après ce qu’ils en ont conservé. Leur paresse d’esprit les a empêchés de s’aviser des ressources que la poésie populaire leur eût abondamment offertes. Ils ont borné leur ambition à copier les anciennes chroniques ; s’ils ont intercalé dans leurs compilations quelques récits populaires, c’est par exception, et pour suppléer à l’extrême brièveté de Grégoire, dont ils ne s’expliquaient pas les motifs. D’ailleurs la langue originale des chansons franques ne leur était pas non plus familière. L’historien des Goths, Jordanis, était un Goth ; l’historien des Lombards, Paul Diacre, était un Lombard ; tous les historiens des Francs ont été des Romani….

Restituer, dans ces conditions, le cycle de l’épopée franque, l’« histoire poétique des Mérovingiens » est une entreprise très périlleuse. Est-il possible de distinguer, dans le texte de Grégoire de Tours et de ses continuateurs, le poème défiguré de l’on-dit ou de la simple légende qui n’ont jamais subi d’élaboration épique ? A quels signes ? Par quels réactifs ? L’allure plus ou moins poétique de la narration ne fournit pas, à cet égard, d’indications sûres ; car, parmi les anecdotes de Grégoire qui paraissent, au premier abord, marquées du sceau de la poésie populaire, — comme l’histoire du vase de Soissons, celle du