Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/143

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suffit pas ; il ne faut pas s’en tenir à un signe extérieur, il faut vérifier la valeur intrinsèque de la tradition, examiner si elle est vraisemblable, si elle concorde avec d’autres rapports dignes de foi. Les auteurs musulmans de collections n’allaient pas jusque-là ; ils ne le pouvaient d’ailleurs sans cesser d’être musulmans, sans se transporter du domaine de la foi dans celui de la science. — Cependant aucune autre religion n’a, dès le début du troisième siècle de son existence, soumis les bases sur lesquelles elle repose à un examen critique tel que l’a été celui des musulmans, car on peut le qualifier de sévère malgré l’insuffisance de son principe ; ajoutons que les théologiens musulmans du IIe siècle et du IIIe ont joui d’une liberté d’examen qui, dans notre siècle, n’est pas accordée aux théologiens anglais sur leur propre terrain, et que, de plus, ils ont travaillé avec sincérité et loyauté, sans aucunement chercher à représenter Mahomet comme un idéal. Au contraire, ils nous le donnent tel qu’il était, avec tous ses défauts et ses faiblesses ; ils nous font connaître sans détours ce que ses adversaires pensaient et disaient de lui ; ils ne passent même pas sous silence ces amères railleries qui contiennent souvent tant de frappantes vérités, par exemple la parole de cet homme de Taïf : « Puisque Allah voulait vraiment envoyer un prophète, n’aurait-il pas pu en trouver un meilleur que toi ? » Je m’étonne toujours, non pas qu’il y ait des passages faux dans la tradition (car cela résulte de la nature même des choses), mais qu’elle contienne tant de parties authentiques (d’après les critiques les plus rigoureux, la moitié de Bokhâri mérite cette qualification), et que, dans ces parties non falsifiées, il se trouve tant de choses qui doivent scandaliser un croyant sincère.

La tradition, qui nous transporte complètement au milieu de la vie des anciens Arabes, est d’une lecture bien plus attachante que le Koran ; sous un rapport, toutefois, elle est inférieure à ce livre et elle a fait par là déchoir l’islamisme. L’islamisme était une religion sans miracles ; il résulte de la façon la plus claire du Koran que Mahomet n’a jamais prétendu avoir le pouvoir d’en faire. Une telle religion eût été un phénomène remarquable dans l’histoire du développement de l’humanité,