Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

veau dans la susdite basilique du bienheureux apôtre Pierre ; et alors, le gracieux et vénérable pontife couronna de ses propres mains Charles d’une couronne très précieuse. Alors tout le fidèle peuple de Rome, voyant comme il défendait et comme il chérissait la sainte Église romaine et son vicaire, se mit, par la volonté de Dieu et du bienheureux Pierre, le gardien des clefs du royaume céleste, à crier d’un seul accord et très haut : « A Charles, le très pieux Auguste, couronné par Dieu, le grand et pacifique empereur, longue vie et victoire ! » Tandis que lui, devant la sainte châsse du bienheureux apôtre Pierre, il invoquait divers saints, il fut proclamé trois fois et tous le choisirent comme empereur des Romains. Là-dessus, le très saint pontife oignit Charles de l’huile sainte, et semblablement son très excellent fils qui devait être roi, le jour même de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ ; et quand la messe fut finie, alors après la messe le sérénissime seigneur empereur offrit des présents. »

Ces trois relations n’offrent, quant aux faits, aucune différence sérieuse, bien que le prêtre romain, comme il est naturel, rehausse l’importance du rôle joué par le pape, tandis que les Germains, trop portés à prêter à l’événement une allure rationnelle, parlent d’un synode du clergé, d’une consultation du peuple et d’une requête formelle adressée à Charles, toutes choses que le silence d’Eginhard à ce sujet aussi bien que les autres circonstances du fait nous interdisent de prendre au pied de la lettre. De même le Liber pontificalis omet l’adoration rendue par le pape à l’empereur, sur laquelle la plupart des annales frankes insistent de façon à la mettre hors de doute. Cependant l’impression que laissent les trois récits est au fond la même. Ils montrent, tous les trois, combien il est peu facile d’attribuer à l’événement un caractère de stricte légalité. Le roi frank ne saisit pas la couronne de son propre chef, mais la reçoit plutôt comme si elle lui revenait naturellement, comme la conséquence légitime de l’autorité qu’il exerçait déjà. Le pape la lui donne, mais non en vertu d’un droit quelconque qui lui appartienne en propre comme chef de l’Église ; il est seulement l’instrument de la Providence divine, qui a, sans conteste, désigné Charles comme la