Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

personne la plus propre à défendre et à diriger la société chrétienne. Le peuple romain ne choisit ni ne nomme formellement, mais par ses acclamations accepte le chef qu’on lui présente. Ce fut justement à cause de l’indétermination où toutes choses furent ainsi laissées, reposant, non sur des stipulations expresses, mais plutôt sur une sorte d’entente mutuelle, sur une conformité de croyances et de désirs qui ne prévoyaient aucun mal, que cet événement prêta avec le temps à tant d’interprétations différentes. Quatre siècles plus tard, lorsque la Papauté et l’Empire se furent laissé entraîner à cette lutte mortelle qui décida de leur sort commun, trois théories distinctes relatives au couronnement de Charles seront défendues par trois partis différents, toutes trois plausibles, toutes trois à certains égards trompeuses. Les empereurs souabes regardèrent la couronne comme une conquête de leur grand prédécesseur et en conclurent que les citoyens et l’évêque de Rome n’avaient aucun droit sur eux. Le parti patriote parmi les Romains, en appelant à l’histoire des origines de l’empire, déclara que, sans l’acquiescement du sénat et du peuple, aucun empereur ne pouvait être fait légalement, puisqu’il n’était que leur premier magistrat et le dépositaire passager de leur autorité. Les papes signalèrent le fait indiscutable du couronnement par la main de Léon et soutinrent qu’en qualité de vicaire de Dieu sur la terre, c’était alors son droit et ce serait toujours le leur d’accorder à qui il leur plairait un office dont le titulaire n’avait été créé que pour être leur serviteur. De ces trois points de vue, le dernier prévalut en définitive, quoiqu’il ne soit pas mieux fondé que les deux autres. Il n’y eut, en réalité, ni conquête de Charles, ni don du pape, ni élection du peuple. De même qu’il était sans précédent, l’acte était illégal ; ce fut une révolte de l’ancienne capitale de l’Occident, justifiée par la faiblesse et la perversité des princes byzantins, sanctifiée aux yeux du monde par la participation du vicaire de Jésus-Christ, mais sans fondement juridique et incapable d’en établir un pour l’avenir.

C’est une question intéressante et quelque peu embarrassante de savoir jusqu’à quel point la scène du couronnement, dont les circonstances furent si imposantes et les résultats si graves, fut