Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/183

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préméditée entre ceux qui y participèrent. Eginhard dit que Charles avait coutume de déclarer que, même pour une si grande fête, il ne serait pas entré dans l’église, le jour de Noël de l’an 800, s’il avait su les intentions du pape. Le pape, d’autre part, ne se serait jamais hasardé à faire une démarche aussi importante sans s’être assuré au préalable des dispositions du roi, et il n’est guère possible qu’un acte auquel l’assemblée était évidemment préparée ait été gardé secret. Quoi qu’il en soit, la déclaration de Charles subsiste, et on ne saurait l’attribuer à un pur motif de dissimulation. Il faut supposer que Léon, après s’être éclairé sur les vœux du clergé et du peuple romain et sur ceux des grands personnages franks, résolut de profiter de l’occasion et du lieu qui s’offraient si favorablement pour réaliser le plan qu’il méditait depuis si longtemps, et que Charles, entraîné par l’enthousiasme du moment et voyant dans le pontife le prophète et l’instrument de la volonté divine, accepta une dignité qu’il eût peut-être préféré recevoir un peu plus tard ou de quelque autre façon. Si donc on adoptait une conclusion positive, ce devrait être que Charles, bien qu’il eût donné au projet une adhésion plus ou moins vague, fut surpris et déconcerté par son exécution subite, qui interrompait l’ordre soigneusement étudié de ses propres desseins. Et quoiqu’un événement qui changea l’histoire du monde ne doive être considéré en aucun cas comme un accident, il peut fort bien avoir eu, pour les spectateurs franks ou romains, l’air d’une surprise. Car il n’y avait point de préparatifs visibles dans l’église ; le roi ne fut pas, comme plus tard ses successeurs teutoniques, conduit en procession au trône pontifical : tout d’un coup, à l’instant même où il sortait de l’enfoncement sacré où il s’était agenouillé parmi les lampes toujours allumées devant la plus sainte des reliques chrétiennes, — le corps du prince des apôtres, — les mains du représentant de cet apôtre posaient sur sa tête la couronne de gloire et répandaient sur lui l’huile qui sanctifie. Ce spectacle était fait pour remplir l’âme des assistants d’une profonde émotion religieuse, à la pensée que la divinité était présente au milieu d’eux, et pour leur inspirer de saluer celui que cette présence semblait consacrer presque visiblement du nom de « pieux et pacifique empereur, couronné