Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/189

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sacrements, ou bien de vendre à des marchands juifs les vases ou les autres ornements des églises. Comme il s’estimait, et à bon droit, plus savant en liturgie que les plus grands prélats de son royaume, il ne manquait pas de faire des règlements pour enjoindre ou pour prohiber telle ou telle pratique dans les cérémonies de la messe, dans l’ordre des jours fériés, dans l’administration des sacrements. Les prescriptions de ce genre abondent dans ses capitulaires. Quelquefois même, remplissant les derniers offices de l’apocrisiaire, il enseignait la psalmodie aux clercs de sa chapelle.

Voici ce que raconte, à ce propos, notre anonyme de Saint-Gall : « Parmi les hommes attachés à la chapelle du très docte Charles, personne ne désignait à chacun les leçons à réciter, personne n’en indiquait la fin, soit avec de la cire, soit par quelque marque faite avec l’ongle ; mais tous avaient soin de se rendre assez familier ce qui devait se lire pour ne tomber dans aucune faute quand on leur ordonnait à l’improviste de dire une leçon. L’empereur montrait du doigt ou du bout de son bâton celui dont c’était le tour de réciter, ou qu’il jugeait à propos de choisir, ou bien il envoyait quelqu’un de ses voisins à ceux qui étaient placés loin de lui. La fin de la leçon, il la marquait par une espèce de son guttural. Tous étaient si attentifs quand ce signal se donnait, que, soit que la phrase fût finie, soit qu’on fût à la moitié de la pause, ou même à l’instant de la pause, le clerc qui suivait ne reprenait jamais au-dessus ni au-dessous, quoique ce qu’il commençait ou finissait ne parût avoir aucun sens. Cela, le roi le faisait ainsi pour que tous les lecteurs de son palais fussent les plus exercés, quoique tous ne comprissent pas bien ce qu’ils lisaient. » Ce récit doit être exact. On y voit si bien tous les personnages désignés remplir leur rôle qu’on les représenterait aisément sur la toile. Ce serait une curieuse peinture, et qui saisirait tous les regards par l’énergie de sa couleur locale : Charlemagne enseignant la psalmodie, un bâton à la main, et touchant de ce bâton l’épaule des clercs qui doivent entonner les répons….

B. HAURÉAU, Charlemagne et sa cour, Paris, Hachette, 1877, in-12.