Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/207

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inclination, les grands propriétaires de fiefs qui conférèrent la couronne à Hugue se seraient très bien passés de l’autorité supérieure qu’ils plaçaient ainsi au-dessus de leur tête. — L’élection du Capétien prouve combien était encore puissante la tradition romaine d’unité et de centralisation réalisée par les institutions impériales, reprise et continuée presque sous la même forme par la royauté à demi ecclésiastique des Mérovingiens et des Austrasiens. Cette tradition restait vivace à la fin du Xe siècle, au moment même du plein épanouissement d’un régime dont les tendances étaient tout opposées. Sans doute il est légitime de dire que la puissance de la maison robertinienne et son succès définitif ont été un des résultats du développement même de la féodalité. L’avènement de Hugue Capet, chef d’une grande famille seigneuriale, était l’indice certain de la prépondérance du nouvel ordre social et politique. Mais si la féodalité a fait la fortune des descendants de Robert le Fort et les a désignés au choix de la nation, ce n’est point elle qui rendait nécessaire le renouvellement de la royauté en faveur d’une troisième dynastie. — C’est à l’Église, dépositaire de la tradition romaine et monarchique, qu’est due l’élection de Hugue Capet. C’est l’Église, représentée par trois hautes personnalités gagnées aux intérêts neustriens, l’archevêque de Reims Adalbéron, son secrétaire et conseiller Gerbert, et l’évêque d’Orléans Arnoul, qui a tout préparé et tout conduit.

L’avènement de Hugue Capet a été, avant tout, un fait ecclésiastique. En prenant définitivement possession de la royauté, les Robertiniens, princes féodaux, se plaçaient au-dessus et en dehors du régime qui avait fait leur force. Lorsque l’archevêque Adalbéron dit aux grands réunis à Senlis : « Il faut chercher quelqu’un qui remplace le défunt roi Louis dans l’exercice de la royauté, de peur que l’État, privé de son chef, ne soit ébranlé et ne périclite, » il ne s’agissait point alors de compléter la hiérarchie féodale. L’État dont il est question ici n’est autre que l’ancienne monarchie romaine et ecclésiastique, telle que l’a toujours entendue l’épiscopat. C’est là l’institution politique dont Adalbéron et tout le clergé désiraient si ardemment le maintien : celle que, par la volonté de l’Église et l’assentiment de quelques