Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/214

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s’adressait pour cela à un puissant baron, à son suzerain, au roi ; souvent le père tenait à adouber lui-même son fils ; les Espagnols s’armaient eux-mêmes. La scène se passait le plus souvent sur le perron du château, en présence de la foule assemblée. Le parrain ou les parrains, car souvent on en requérait plusieurs, revêtaient le candidat du haubert et du heaume, lui ceignaient l’épée, lui chaussaient les éperons dorés, après quoi l’un d’eux lui donnait la colée ; il faut entendre par là un formidable coup de la paume de la main assené sur la nuque. Quand les mœurs s’adoucirent, on la remplaça par l’accolade, un simple attouchement, quelques coups du plat de l’épée ou même un baiser. En quoi faisant on adressait au nouveau chevalier quelques paroles très brèves, souvent ces deux mots seuls : « Sois preux. » Le cheval était tenu en main au bas du perron ; aussitôt armé, le chevalier devait l’enfourcher sans s’aider de l’étrier et courir un eslai, c’est-à-dire faire un temps de galop. Après quoi il lui restait encore à courir une quintaine. On appelait ainsi une sorte de jeu ou plutôt d’épreuve qui consistait à s’escrimer à cheval contre une espèce de mannequin armé d’un haubert ou d’un heaume.

Ainsi qu’on le voit, le rituel de l’adoubement était, au début, tout militaire et très simple. Il se compliqua plus tard. Il s’y ajouta d’abord des cérémonies religieuses, telles que la veillée des armes dans l’église, la bénédiction de l’épée, une messe solennelle ; peu à peu, la cérémonie devint de plus en plus ecclésiastique : l’ancien adoubement se transforma en une espèce de sacrement administré par l’évêque ; ce fut l’évêque qui fit les chevaliers, leur ceignit l’épée, leur donna l’accolade et leur adressa un sermon sur leurs devoirs. Sous le titre de Benedictio novi militis d’anciens pontificaux nous ont conservé tout le rituel, toute la liturgie de ces cérémonies. Plus tard encore, il s’y ajouta tout un développement symbolique et mystique très compliqué et très raffiné, des jeûnes, des veillées, des confessions et des communions préparatoires, le bain symbolique au sortir duquel le néophyte était revêtu de vêtements de couleurs allégoriques. C’est le rituel du XVe siècle, celui qu’ont seul connu pendant longtemps les historiens de la chevalerie.