Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/244

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de l’Église, toutes les difficultés, quelles qu’elles fussent, qui naissaient dans son sein, aboutissaient au Saint-Siège. Un très petit nombre de ces affaires étaient évoquées par le pape ; toutes allaient à lui naturellement, par l’effet d’une institution entrée alors dans les mœurs du clergé : ce droit d’appel au Saint-Siège, établi jadis avec éclat par Nicolas Ier, mais qui n’avait pris une entière extension que depuis Grégoire VII. Avec la haute idée qu’il se faisait de la mission de la papauté, Grégoire VII avait jugé que, le Saint-Siège devant à tous une égale protection, il convenait de rendre accessible à tous le recours à cette tutelle suprême. Favorisé par les successeurs de Grégoire, cet usage de l’appel avait pris un développement si rapide et si universel qu’à l’époque d’Innocent III aucun événement ne se passait dans l’Église où il n’amenât l’intervention de la papauté. De la part des appelants se commettaient des abus qui n’échappaient pas à l’attention d’Innocent III. Il reconnaissait que ce droit d’appel, établi dans l’intérêt des faibles, des opprimés, devenait souvent, aux mains des oppresseurs, un moyen de se dérober à de justes châtiments infligés par les supérieurs ecclésiastiques. Il essaya de tempérer ces abus. Quand il confiait aux évêques locaux la connaissance de certaines causes, il déclarait quelquefois que la sentence prononcée par eux serait définitive et sans appel (sublato appellationis obstaculo). Il ne fit cela que rarement ; s’il eût pris en ce sens quelque mesure générale, c’eût été porter atteinte à l’autorité du Saint-Siège, en tarissant l’une des sources les plus sûres de son pouvoir, et à son esprit non moins qu’à son prestige, en le dépouillant de son caractère de magistrature suprême et toujours accessible. Loin de vouloir limiter cette faculté d’appel, il était attentif à la maintenir en son intégrité, et, à l’occasion, savait rappeler en termes sévères qu’il entendait que personne n’osât apporter obstacle à l’exercice de ce droit. De là qu’arrivait-il ? C’est que les sentences des évêques, toujours susceptibles d’être modifiées ou cassées par le Saint-Siège, étaient en outre suspendues dans leurs effets pendant le temps, souvent très long, que durait l’instance auprès de la cour de Rome ; c’est que, par une autre conséquence, les évêques perdaient de leur autorité ou de leur crédit aux yeux des