Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/245

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fidèles de leurs diocèses. A mesure que les appels s’étaient multipliés, les églises locales avaient tendu ainsi à s’amoindrir devant l’Église romaine ; et, à l’époque d’Innocent III, le nombre seul des lettres litigieuses qui remplissent sa correspondance est un indice du degré d’affaiblissement où ces églises étaient tombées.

Les lettres de privilèges fournissent un signe non moins caractéristique de la situation de l’Église à cette époque et conduisent aux mêmes conclusions. Ces lettres, pour la plupart, n’étaient autre chose que des actes qui, sous des formes et en des mesures diverses, affranchissaient de la juridiction épiscopale les personnes ou les établissements qui les avaient obtenues. Assurément ces sortes de lettres ne doivent pas plus que les lettres litigieuses être attribuées spécialement au temps d’Innocent III ; mais ce qui appartient à cette époque, c’est le nombre considérable et des unes et des autres. Ces lettres de privilèges, octroyées à quelques personnages, à des chapitres, mais surtout à des couvents, aidaient de deux manières à l’ascendant du Saint-Siège, en diminuant l’autorité des évêques et en créant au pape des serviteurs dévoués. Ces conséquences ne devaient pas échapper à la prudence d’Innocent III. Sa prédilection pour les monastères, au détriment du clergé séculier, est un des traits les plus sensibles de sa correspondance[1].

Ces amoindrissements de la puissance épiscopale résultaient d’une situation que sans doute les évêques subissaient malgré eux. Mais on les voit faire eux-mêmes l’aveu indirect de leur faiblesse dans les mille questions (consultationes) qu’ils adressent au pape sur toute sorte de sujets. Nous possédons, non ces questions elles-mêmes, mais les réponses du pape. Ces réponses, à la vérité, sont conçues de telle manière qu’il est aisé de rétablir les questions qui les provoquent. Le pape répond en effet article par article, reproduisant, à chaque point nouveau, l’interrogation qui lui est faite. Autant de questions, autant de paragraphes distincts. Quand la lettre du consultant est diffuse ou

  1. [C’est sous Innocent III que vivait saint Dominique, fondateur de la milice des dominicains (Domini canes, suivant le calembour étymologique des contemporains), si dévouée au Saint-Siège.]