Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/246

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obscure, il en résume ou en éclaircit d’abord des données principales, et entre ensuite en matière. Les questions adressées au pape étaient si nombreuses, que, dès la première année de son pontificat, Innocent III reconnaissait que l’une de ses principales occupations était d’y répondre. Que si l’on recherche quels étaient les sujets ordinaires de ces questions multipliées, on constate que la plupart étaient relatives à des points de droit. Innocent III s’étonne d’être si souvent consulté sur cette matière. « Vous avez autour de vous des juristes exercés, écrit-il à l’évêque de Bayeux, et vous êtes vous-même très instruit sur le droit ; comment se fait-il que vous nous consultiez sur des points dont la clarté n’offre aucune prise au doute ? » Toutefois, loin de repousser les consultations sur ce sujet, il les encourageait, les exigeait même ; il voulait que tous les doutes fussent soumis au Saint-Siège. « A celui qui établit le droit, disait-il, il appartient de discerner le droit. » Dans le décret de Gratien, qui faisait alors autorité pour toute l’Église, le pape est comparé au Christ, lequel, soumis en apparence à la loi, était en réalité le maître de la loi. Les lettres d’Innocent III fournissent une pleine confirmation de cette doctrine ; on y voit qu’aux yeux des évêques, et sans doute à ses propres yeux, le pape est la personnification du droit, la loi vivante de l’Église.

Ce n’était pas seulement sur le droit que les évêques demandaient des éclaircissements au Saint-Siège. Ils le consultaient encore sur les obscurités du dogme. Comme il fixe le droit, le pape fixe aussi la foi ; du moins c’est à lui qu’il appartient d’interpréter les Écritures (exponere Scripturas) ; et, suivant une opinion contemporaine où l’on reconnaît le développement des idées posées par Grégoire VII, tout ce qui s’écarte de la doctrine du Saint-Siège est ou hérétique ou schismatique. — En dehors du droit et de la doctrine, si l’on considère en quoi consistent les éclaircissements, les avis demandés à tout moment au pape par les évêques, il semble qu’il représente pour eux la sagesse universelle, infaillible, et que rien ne doive demeurer, pour son esprit, inconnu ou obscur. Les questions les plus singulières, les plus inattendues, les plus simples, lui sont adressées. Un jour, c’est le cas d’un moine qui a indiqué un remède à une femme