Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/253

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les membres de la société, aux personnes morales comme aux individus ; il est devenu une seigneurie.

On sait que le moyen âge entendait par ce terme un ensemble de droits, d’origine et de caractères très divers, où la propriété et la souveraineté confondues se marquaient par de certains services et redevances.

Dans l’Italie centrale, où le Saint-Siège avait depuis longtemps de vastes domaines, qui, au temps de Charlemagne, lui avaient valu la cession d’une partie de la puissance publique, la seigneurie du pape s’était établie tout naturellement, comme en d’autres lieux celle des ducs et des comtes.

Mais le Saint-Siège était un pouvoir d’une nature spéciale : son caractère de puissance morale et universelle lui valut dans le monde féodal une autre seigneurie d’un genre particulier.

A la fin du neuvième siècle, lorsque les princes carolingiens, qui avaient été longtemps les « patrons » des églises et des monastères, ne furent plus en état de défendre la propriété ecclésiastique contre les usurpations des laïques, on songea à invoquer la protection pontificale. C’était le temps des grands pontificats de Nicolas Ier et de Jean VIII. Les fondateurs de monastères, désireux d’assurer la perpétuité de leur œuvre, sollicitèrent le patronat du Saint-Siège et ils « recommandèrent » à l’apôtre la propriété de l’être moral qu’ils constituaient. Les possessions attribuées à certains instituts monastiques furent ainsi considérées comme le bien de saint Pierre, et, pour reconnaître le domaine éminent ainsi concédé à l’apôtre, elles furent grevées d’un cens annuel en faveur du Saint-Siège.

Cela eut de grandes conséquences dans l’ordre temporel aussi bien que dans l’ordre spirituel.

D’une part, les monastères censiers échappèrent peu à peu à la main des évêques pour relever directement du Saint-Siège, et, d’autre part, la nature originelle du lien qui les rattachait à Rome détermina, à travers toute l’Europe, la constitution d’un domaine pontifical d’un caractère particulier.

La papauté posséda sur les terres des plus grandes abbayes un droit éminent de propriété, qui se marquait par le payement d’un cens, et il n’en fallut pas davantage pour que peu à peu le Saint-