Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/257

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des amis du Saint-Siège, la grandeur d’un drame apocalyptique. Satan seul avait pu souffler une telle malice dans l’âme d’un prince que l’Église romaine avait tenu tout enfant entre ses bras, au temps d’Innocent III. « C’était un athéiste », affirme Fra Salimbene, qui énumère tous les vices de l’empereur, la fourberie, l’avarice, la luxure, la cruauté, la colère, et les histoires étranges que l’on contait tout bas, au fond des couvents, sur ce personnage formidable. Au moment où Frédéric venait de dénoncer à tous les rois et à l’épiscopat Grégoire IX comme faux pape et faux prophète, celui-ci lançait l’encyclique Ascendit de mari : « Voyez la bête qui monte du fond de la mer, la bouche pleine de blasphèmes, avec les griffes de l’ours et la rage du lion, le corps pareil à celui du léopard. Elle ouvre sa gueule pour vomir l’outrage contre Dieu ; elle lance sans relâche ses javelots contre le tabernacle du Seigneur et les saints du ciel. » L’année suivante, Grégoire écrivait : « L’empereur, s’élevant au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu et prenant d’indignes apostats pour agents de sa perversité, s’érige en ange de lumière sur la montagne de l’orgueil…. Il menace de renverser le siège de saint Pierre, de substituer à la foi chrétienne les anciens rites des peuples païens, et, se tenant assis dans le Temple, il usurpe les fonctions du sacerdoce. » « A force de fréquenter les Grecs et les Arabes, écrit l’auteur anonyme de la Vie de Grégoire IX, il s’imagine, tout réprouvé qu’il est, être un Dieu sous la forme humaine. » L’avocat pontifical Albert de Beham, familier d’Innocent IV, écrit encore, en 1245 : « Il a voulu s’asseoir dans la chaire de Dieu comme s’il était Dieu ; non seulement il s’est efforcé de créer un pape et de soumettre à sa domination le siège apostolique, mais il a voulu usurper le droit divin, changer l’alliance éternelle établie par l’Évangile, changer les lois et les conditions de la vie des hommes. » En 1245 et 1248, Innocent IV déliait du serment de fidélité le clergé et les sujets du royaume des Deux-Siciles, enlevait l’Église sicilienne aux juridictions impériales, retranchait de la société politique, comme de la communion religieuse, les comtes et les bourgeois fidèles au parti de l’empereur, autorisait les seigneurs ecclésiastiques à fortifier leurs châteaux contre l’empereur, et jurait solennel-