Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/258

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lement d’écraser jusqu’aux derniers rejetons de « cette race de vipères ».

Pierre de la Vigne et les courtisans du prince souabe répondaient d’une voix aussi sonore que celle des champions de l’Église. Pierre était le confident de Frédéric. « J’ai tenu, dit son âme à Dante, les deux clefs de son cœur, que j’ouvrais et refermais d’une main très douce ; » on peut croire que, chaque fois qu’il écrivait, il n’était que l’écho de la pensée de l’empereur. Mais la façon dont il exalta la mission religieuse de son maître, par l’exagération des idées et des images, a trop d’analogie avec les invectives lancées par les défenseurs du Saint-Siège. Pour le chancelier, même pour l’archevêque de Palerme Beraldo, pour le notaire impérial Nicolas de Rocca et les prélats gibelins qui font leur cour à César à l’aide des textes de l’Évangile, Frédéric est une sorte de Messie, un apôtre chargé par Dieu de révéler l’Esprit saint, le pontife de l’Église définitive, « le grand aigle aux grandes ailes » qu’Ezéchiel a prophétisé. Quant à Pierre de la Vigne, il sera le vicaire de Frédéric, comme le premier Pierre a été celui de Jésus ; il est la pierre angulaire, il est la vigne féconde dont les branches ombragent et réjouissent le monde. Le Galiléen a renié trois fois son Seigneur, le Capouan ne reniera jamais le sien. La fonction mystique de l’Église romaine est sur le point de finir. « Le haut cèdre du Liban sera coupé, criaient les prophètes populaires, il n’y aura plus qu’un seul Dieu, c’est-à-dire un monarque. Malheur au clergé ! S’il tombe, un ordre nouveau est tout prêt. » Innocent IV trouvait sur sa table des vers annonçant la déchéance prochaine de la Rome des papes. Et les troubadours provençaux, les exilés de la croisade albigeoise, qui avaient vu leurs villes livrées aux inquisiteurs, chantaient dans les palais de Palerme et de Lucera les strophes furieuses de Guillaume Figueira : « Rome traîtresse, l’avarice vous perd et vous tondez de trop près la laine de vos brebis…. Rome, vous rongez la chair et les os des simples, vous entraînez les aveugles dans le fossé, vous pardonnez les péchés pour de l’argent ; d’un trop mauvais fardeau, Rome, vous vous chargez…. Rome, je suis content de penser que bientôt vous viendrez à mauvais port, si l’empereur justicier mène droit sa fortune et fait ce qu’il doit faire. Rome,