Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/280

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pour lesquels Clari ne trouve pas d’injures assez fortes. C’est donc entre les mains de ces chevaliers félons, et probablement sur l’ordre et au profit du doge, qui commandait dans la ville en l’absence de l’empereur, que tombèrent tous les trésors enlevés aux églises, et rien ne nous indique de quelle manière Vénitiens et Francs se les partagèrent entre eux.

Quant aux reliques, il semble bien que les évêques latins, l’empereur et les Vénitiens en aient eu chacun une part. — Garnier de Trainel, qui disposa pendant près d’une année des reliques mises en commun, en envoya de très précieuses à Troyes par Jean L’Anglois, son chapelain ; c’est de lui que l’archevêque de Sens reçut le chef de saint Victor. Nivelon de Cherisy, évêque de Soissons, enrichit de reliques Soissons, la célèbre abbaye de Notre-Dame, et un grand nombre de sanctuaires des contrées voisines. Conrad de Halberstadt ne paraît pas avoir été moins bien partagé que Nivelon, si l’on en juge par la valeur des objets rapportés par lui, dont la plupart existent encore aujourd’hui au trésor de la cathédrale d’Halberstadt. — Le premier empereur latin de Constantinople adressa de son côté en Europe quantité d’objets précieux, et Baudouin Ier obéit en cela aux conseils d’une politique éclairée. Devenu le chef d’un État aussi mal affermi, il avait besoin d’autres sympathies et d’autres alliances que celles dont avait pu se contenter le comte de Flandre, et devait oublier le temps où, soutien de Philippe de Souabe et vassal turbulent du roi de France, il avait eu à se plaindre des deux personnages les plus influents de l’époque, Innocent III et Philippe Auguste ; aussi est-ce précisément à eux les premiers qu’il notifie son avènement, joignant aux lettres qu’il leur adresse des présents considérables. Barozzi, maître du Temple en Lombardie, est chargé par lui de porter au pape un véritable trésor, dans lequel figure une statue d’or et une d’argent avec un rubis acheté 1000 marcs, et de nombreuses croix. Philippe Auguste reçoit, outre des reliques de son patron et une croix admirable, deux vêtements impériaux et un rubis d’une grosseur extraordinaire. Après la défaite d’Andrinople, le successeur de Baudoin Ier, Henri Ier, continua les envois commencés par son père, dans l’espoir que ces libéralités lui concilieraient les