Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/326

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pas permis de vivre ? Elle l’a fait disparaître au moment où il commençait à se transformer, à prendre une direction plus libérale, plus favorable à l’intérêt du plus grand nombre ; au moment où les oligarchies bourgeoises, qui disposaient des communes, admettaient, de gré ou de force, la population ouvrière à prendre part à l’élection des magistratures et au gouvernement de la cité. Pourquoi la puissance communale, assise sur une base plus large et plus solide, grâce à cette réorganisation démocratique, n’aurait-elle pas assuré aux villes, malgré les manifestations bruyantes et l’agitation périodique qui accompagnent forcément l’exercice de la liberté, de longues années de prospérité et de grandeur ? Admettons qu’il fût impossible à la royauté capétienne de conserver aux villes libres ce caractère d’États indépendants et de puissance politiquement isolées qui aurait fait obstacle à la grande œuvre de l’unité nationale ; nous supposons qu’elle n’aurait pu se dispenser de les rattacher par certains liens au gouvernement central et aux institutions générales du pays ; mais ne pouvait-elle leur laisser, dans l’ordre administratif et judiciaire, la plus grande partie de leur ancienne autonomie ?

Sans doute, le régime communal avait ses défauts et même ses vices, les vices inhérents à toutes les aristocraties. Mais on ne peut nier qu’il eût aussi d’excellents côtés. Il faisait du bourgeois un citoyen ; il développait chez lui l’esprit d’initiative, les instincts d’énergie que favorisent la vie militaire et la pratique quotidienne du danger, l’habitude de prendre sans hésitation les responsabilités et de les soutenir avec constance, enfin les sentiments de fierté et de dignité qu’inspirent à l’homme l’exercice d’un pouvoir indépendant, la disposition de soi-même, la gestion de ses propres affaires. A ce point de vue, il faut regretter que les communes françaises n’aient pas conservé plus longtemps une autonomie dont elles n’avaient pas toutes abusé. Si l’on est convaincu, comme semble l’être Guizot, que ces républiques n’étaient que des foyers de tyrannie oligarchique, d’anarchie et de guerres civiles, on conçoit qu’il est logique de leur préférer l’ordre, même acheté au prix de la liberté. Mais on ne peut affirmer que nos villes libres aient été placées rigoureusement dans la triste alternative de périr par leurs propres excès