Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/351

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le Gros. Sous son influence, la politique ecclésiastique du prince se dessina nettement dans un sens antiréformiste. Étienne devint le défenseur naturel de tous ceux qui, se disant opprimés par les doctrines nouvelles, essayaient de se soustraire à la règle. Lorsqu’en 1122 Abailard voulut abandonner l’abbaye de Saint-Denis, où ses supérieurs entendaient le retenir contre sa volonté, il n’eut rien de plus pressé que de s’adresser au roi et à son conseil. Étienne de Garlande représenta à Suger qu’en essayant de garder malgré lui un homme tel qu’Abailard, il s’exposait à un scandale, sans aucun profit pour sa communauté. Une transaction fut conclue en présence du roi et de son ministre. Abailard obtint le droit de choisir le lieu de sa retraite, mais sous la promesse de rester attaché à Saint-Denis et de n’appartenir à aucun autre monastère.

L’attitude du chancelier devait lui attirer, on le conçoit, les malédictions et les colères de tous ceux, évêques et abbés, qui dirigeaient le mouvement réformiste. Dès l’année 1101, Ives de Chartres, voulant l’empêcher d’arriver à l’évêché de Beauvais, dépeignait à Pascal II, sous les couleurs les plus noires, ce clerc « illettré, joueur, coureur de femmes, qui n’avait pas même le grade de sous-diacre et qui, jadis, s’était vu excommunier par l’archevêque de Lyon pour adultère notoire ». Le portrait était sans doute un peu chargé, car Ives lui-même se crut obligé, quelque temps après, dans une nouvelle lettre au pape, de recommander le candidat qu’il avait si violemment attaqué. Mais saint Bernard était plus logique. Son éloquente indignation, qui ne ménageait ni rois ni papes, dénonça à la chrétienté le spectacle scandaleux donné par cet archidiacre-sénéchal, antithèse vivante, personnage à double face, « qui sert à la fois Dieu et le diable, revêt en même temps l’armure et l’étole, porte les mets à la table du roi et célèbre les saints offices, convoque les soldats au son du clairon et transmet au peuple les ordres de l’évêque ». Ce qui révolte surtout l’abbé de Clairvaux, c’est que ce diacre, « plus chargé d’honneurs ecclésiastiques que ne le tolèrent les canons, est infiniment moins attaché à ses fonctions spirituelles qu’à son service de cour, aux choses du ciel qu’aux choses de la terre ». Il se glorifie avant tout de son titre de sénéchal ; «