Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/352

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mais ce qui lui plaît dans cette charge, ce n’est pas la besogne du soldat, c’est la pompe du commandement ; de même que ce qui lui tient le plus au cœur dans ses fonctions ecclésiastiques, ce sont les profits qu’il en retire ». Peut-on comprendre que le roi garde ce clerc efféminé dans la curie, et que l’Église ne rejette pas de son sein ce soldat qui la déshonore ?

Le mécontentement du parti réformiste n’aurait sans doute pas suffi pour rompre les liens d’amitié et de longue habitude qui unissaient le roi à son favori. Une grave imprudence d’Étienne de Garlande amena la révolution de palais que préparait depuis longtemps la reine Adélaïde et que semblait avoir prévue saint Bernard (1127).

Comme tous les sénéchaux de France, ses prédécesseurs, comme tous les grands officiers de la couronne, en général, Étienne, qui avait reçu le dapiférat des mains de ses deux frères, ne songeait qu’à retenir cette charge dans sa famille. Ne pouvant avoir lui-même d’héritier, il donna sa nièce en mariage à Amauri IV, seigneur de Montfort et comte d’Évreux, un des barons qui avaient rendu le plus de services à Louis le Gros dans ses dernières guerres avec les Anglo-Normands. Le neveu du chancelier reçut, avec le château de Rochefort, que lui apportait sa femme, l’assurance de la future succession au dapiférat. Le roi ne fut évidemment pas consulté. La situation était des plus graves. Louis VI pouvait-il admettre qu’on disposât ainsi, sans son assentiment, de la plus haute dignité de la couronne, et laisserait-il consacrer bénévolement le principe de la transmission héréditaire des grands offices ? N’était-il pas temps de réagir contre une tendance qui devait aboutir à rendre la royauté esclave de ses hauts fonctionnaires et à faire des palatins les maîtres absolus du palais ? Inquiet de l’ambition de son favori, poussé par la reine et par le clergé, Louis le Gros se décida cette fois à déployer une énergie dont il n’était pas coutumier quand il s’agissait des affaires de sa cour. Il fit un véritable coup d’État.

Dépouillé de ses fonctions de sénéchal et de chancelier, Étienne fut chassé du palais. On le remplaça presque aussitôt à la chancellerie, mais non au dapiférat, qui devait rester vacant pendant plusieurs années. Son frère Gilbert partagea son sort, et la