Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/358

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sur sa science littéraire et sur l’éclat de son style. A vrai dire, le latin de la Vie de Louis le Gros, moins banal et moins plat que celui de la plupart des écrivains monastiques, se distingue surtout par l’obscurité, le mauvais goût et l’incorrection. On y sent cependant une certaine vigueur d’esprit, et je ne sais quelle flamme intérieure qui n’est point le fait d’une âme vulgaire. Les qualités maîtresses de Suger, celles qui firent de lui le ministre nécessaire et considéré même de ses ennemis, sont précisément celles que vantent le moins ses contemporains : une grande capacité de travail, la connaissance intime des hommes et des choses, le sens pratique, une fermeté inébranlable jointe à une judicieuse modération.

Il est assez difficile de mesurer avec exactitude l’influence exercée par le célèbre abbé sur le gouvernement de Louis le Gros. Le moine Guillaume, biographe, ou plutôt panégyriste de Suger, ne retrace avec quelque détail la vie politique de son héros que lorsqu’il s’agit du règne de Louis le Jeune et surtout de l’époque de la régence. Il faut donc recourir à Suger lui-même et à sa principale œuvre historique. Mais on sait que l’auteur de la Vie de Louis le Gros a choisi, parmi les événements du règne, ceux qui étaient le plus propres à mettre en relief le courage et la magnanimité du roi. Il est fort incomplet en ce qui concerne l’histoire intérieure de la curie, et les détails les plus intéressants qu’il donne sur son rôle personnel se rapportent justement à la période des guerres du Puiset, pendant laquelle il ne faisait pas encore partie, à titre permanent, du conseil royal. C’est surtout à dater de la chute des Garlande qu’il importerait de connaître la part prise par l’abbé de Saint-Denis aux affaires publiques. Mais c’est alors qu’il s’efface le plus et se confond à dessein, par une modestie sans doute exagérée, dans le groupe des « amis et familiers » à qui le souverain venait demander ses meilleures inspirations. Quant aux autres chroniqueurs, français ou étrangers, ils sont muets sur le rôle politique de Suger et semblent le connaître encore moins qu’Étienne de Garlande. On chercherait vainement le nom de l’abbé de Saint-Denis dans l’histoire d’Orderic Vital.

Les premiers rapports de Louis le Gros et de Suger datent