Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/361

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de onze ans. Quatre ans après, on le voit pleurant au chevet de son royal ami, qui, épuisé par une cruelle maladie, croyait être à son dernier jour, et lui adressait ses recommandations suprêmes.

L’influence prépondérante de l’abbé de Saint-Denis fut surtout marquée, pendant cette période, par la réconciliation de Louis le Gros avec le comte Thibaud de Champagne. Ce dernier, jusqu’ici ennemi acharné de la dynastie régnante, venait de perdre son meilleur soutien en la personne de son oncle, le roi d’Angleterre, Henri Ier. Comme il aspirait à le remplacer sur le trône ducal de Normandie, il lui fallait l’appui du roi de France. Suger, pour qui le roi anglais et son neveu avaient toujours professé une considération particulière, facilita le rapprochement, et crut faire acte de sage prévoyance en ramenant le grand fief de Blois-Champagne dans le cercle de l’alliance capétienne. C’était un événement politique de la plus haute importance, car il garantissait à Louis le Gros la tranquillité de ses dernières années et lui permit d’accomplir en paix l’acte qui était le digne couronnement de sa glorieuse carrière, l’union du duché d’Aquitaine au domaine royal.

Lorsqu’on juillet 1137 Louis le Jeune s’achemina, avec un brillant cortège, vers les rives de la Garonne où l’attendait l’héritière des pays aquitains, les meilleurs amis de Louis le Gros et les plus influents des palatins faisaient partie de l’expédition : le Sénéchal Raoul de Vermandois, Guillaume Ier, comte de Nevers ; Rotrou, comte du Perche ; le comte palatin, Thibaud de Champagne ; Suger lui-même, et son ami, Geoffroi de Lèves, évêque de Chartres. C’était le conseil royal qui se déplaçait dans la personne des plus éminents de ses membres pour faire honneur aux populations du Midi et les amener à subir sans secousses et sans amertume la domination du roi du Nord. Louis le Gros, resté presque seul au palais, fit ses adieux à ce fils qui ne devait plus le revoir : « Que le Dieu tout-puissant, par qui règnent les rois, te protège, mon cher enfant, car, si la fatalité voulait que vous me fussiez enlevés, toi et les compagnons que je t’ai donnés, rien ne me rattacherait plus à la royauté ni à la vie. »